Licencier un travailleur malade : possible ou impossible ?

Suite à l’harmonisation des règles de rupture du contrat des ouvriers et des employés, les dispositions légales relatives au licenciement d’un travailleur en incapacité de travail ont été modifiées au 01/01/2014. Un droit du travailleur à connaître les raisons concrètes de son licenciement est instauré depuis le 01/04/2014. Votre travailleur est malade et vous êtes contraint de le licencier. Que pouvez-vous faire ? Etat des lieux après plus de 2 ans d’application des nouvelles règles…

Interdiction de licencier un travailleur malade ?

Il n’existe pas d’interdiction légale de licencier un travailleur en incapacité de travail.

Avant 2014, la loi permettait expressément le licenciement – moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis – d’un travailleur en incapacité de travail depuis plus de 6 mois. D’une part, il était quand même possible de rompre le contrat d’un travailleur malade depuis moins de 6 mois ; d’autre part, l’incapacité de plus de 6 mois n’était cependant pas une justification automatique du licenciement, ce dernier pouvant alors être considéré comme abusif.

 

Si cette autorisation légale expresse de licencier un travailleur malade depuis plus de 6 mois a aujourd’hui disparu, le principe demeure. Il est possible de rompre le contrat d’un travailleur malade, quelle que soit la durée de l’incapacité de travail.

Obligation de motiver le licenciement d’un travailleur malade ?

L’employeur n’a – sauf exceptions de plus en plus nombreuses – pas l’obligation de motiver d’initiative le licenciement d’un travailleur. La maladie du travailleur ne tombe pas dans ces exceptions. La motivation spontanée à l’avantage de permettre à l’employeur de compléter, en cas de litige, la liste des raisons motivant le licenciement et de répartir la charge de la preuve si le travailleur invoque un licenciement manifestement déraisonnable.

 

L’employeur a cependant, sauf exceptions (travailleur présent depuis moins de 6 mois, CDD, intérimaire, étudiants, chômage avec complément d’entreprise, retraite, cessation d’activité, motif grave…), l’obligation de répondre dans les 2 mois au travailleur qui demande valablement les raisons concrètes de son licenciement. A défaut, l’employeur doit payer au travailleur une amende civile équivalente à 2 semaines de rémunération et assumer seul la charge de la preuve de l’absence de licenciement manifestement déraisonnable.

Licencier un travailleur malade est-il manifestement déraisonnable ?

Le licenciement ne doit pas être motivé par le fait de l’incapacité de travail, elle-même, mais par les conséquences que cette dernière entraîne pour le maintien des compétences et des aptitudes du travailleur à exercer la fonction convenue, pour l’organisation et le fonctionnement de l’entreprise, du département ou du service… Le licenciement est manifestement déraisonnable s’il ne trouve pas ses raisons dans l’aptitude ou la conduite du travailleur ou les nécessités de fonctionnement de l’entreprise et qu’il n’aurait jamais été décidé par un employeur normal et raisonnable ; dans ce cas, l’employeur pourrait devoir payer au travailleur une indemnité de 3 à 17 semaines de rémunération selon le degré de "déraisonnabilité" du licenciement.

 

Les cours & tribunaux ont un rôle marginal dans l’examen du caractère manifestement déraisonnable du licenciement. L’appréciation de la perturbation de l’organisation du travail au sein de l’entreprise causée par l’incapacité d’un travailleur revient principalement à l’employeur.

 

Licencier un travailleur malade n’est pas automatiquement manifestement déraisonnable. La jurisprudence admet que des absences répétées, voire de longue durée, peuvent remettre en cause l’aptitude du travailleur à exercer le travail convenu, particulièrement pour des fonctions de coordination et de surveillance. L’attitude du travailleur peut être mise en question si toutes les absences ne sont pas dûment justifiées par des certificats médicaux.

Il faut cependant rester prudent.

La désorganisation du travail invoquée par l’employeur n’a, dans un cas d'espèce, pas été retenue par le juge, celui-ci estimant que le licenciement n’était pas nécessaire pour parer au surcroît temporaire de travail résultant de l’absence pour maladie du travailleur. L’employeur a dû verser au travailleur une indemnité équivalente à 8 semaines de rémunération.


Si le travailleur ne remet pas immédiatement un certificat médical attestant son incapacité, l’employeur peut le mettre en demeure de le faire, mais doit lui laisser le temps raisonnable de se mettre en ordre. A défaut, l’employeur a dû verser, dans un cas soumis au juge en 2015, une indemnité équivalente 10 semaines de rémunération.

Vous avez besoin d’un conseil ou vous souhaitez une assistance juridique ? Contactez votre gestionnaire, toujours disponible pour vous aider. Il vous mettra, le cas échéant, en contact avec un juriste.

Vous voulez une assurance qui vous couvre en cas de litige avec un de vos collaborateurs ou une administration ? Souscrivez l’assurance Protection juridique en nous contactant via ucmmouvement@ucm.be ou par téléphone au +3278054545 (tarif normal).

Consultez régulièrement ucm.be pour rester informé de l’évolution de la jurisprudence en matière de motivation du licenciement.