Transmettre son entreprise, c’est quelque part laisser un peu de soi à quelqu’un d’autre. Pourtant, pour de nombreuses et très
bonnes raisons, Wallonie Entreprendre a accompagné l’année dernière 519 entrepreneurs dans leur démarche de transmission. Un
chiffre en constante hausse depuis plusieurs années qui témoigne d’un marché vigoureux et dynamique.

Comme chaque année depuis douze ans, Wallonie Entreprendre a sollicité son réseau d’experts afin de jauger l’état du marché de la transmission d’entreprises en Wallonie. L’organisme n’ayant accompagné « que » 10 % des transmissions en 2024, cette analyse n’a pas la prétention d’être le reflet exact de la situation. Mais elle est suffisamment représentative pour proposer une information sérieuse et pertinente sur les grandes tendances du marché. 
Mais venons-en aux chiffres. L’année dernière, WE a guidé et concrétisé la transmission de 519 entreprises, un résultat en nette hausse par rapport à 2023, année durant laquelle un record de 428 transmissions avait déjà été répertorié. La taille des deals, elle, varie fortement. 30 % concernaient des transactions inférieures à 500.000 euros et 34 % entre un et cinq millions d’euros. Seule une cessation portait par contre sur un dossier de plus de 50 millions d’euros, contre au moins cinq les années précédentes.
 

Qui dit travail et entreprise dit également emploi. Et les transmissions sont un outil indispensable pour pérenniser l’emploi dans notre région. Le rapport de WE indique ainsi qu’au moins 7.289 emplois ont été perpétués grâce à ces différentes transactions. Ici aussi, l’augmentation par rapport à 2024 et ses 6.095 jobs est très marquée. WE note cependant que « trois transmissions importantes comptabilisent à elles seules 2.215 emplois ». En écartant ces trois grandes entreprises, la « moyenne d’emplois pérennisés par transaction est de 12,8 équivalents temps plein (ETP) en 2024, soit légèrement en deçà des 14,2 ETP en moyenne calculés par société en 2023 ». À l’autre bout de ce spectre, 189 deals correspondaient à des boites de moins de cinq personnes, et 36 ne comportaient même aucun emploi en dehors de celui de leur gérant. 


Comme l’année dernière, ce sont deux secteurs bien spécifiques qui trônent en tête du marché de la transmission : les services et la construction. Et pour cause, ils regroupent un certain nombre de sociétés aux missions très vastes et variées. C’est donc sans surprise que près d’un emploi sur deux pérennisé par les transmissions est issu du secteur des services (3.472). La construction suit avec 1.269 jobs, loin devant l’industrie automobile (320) qui complète ce podium. 


Les autres secteurs d’activité restent, eux, dans des proportions fort comparables avec les années précédentes. Wallonie Entreprendre note que « le fait qu’il y ait quelques deals en moins ou en plus dans tel ou tel secteur n’illustre pas de réelle tendance sectorielle sur l’attractivité des acquéreurs pour un secteur en particulier ». Le nombre d’emplois pérennisés constitue cependant « un indicateur important pour le maintien du savoir-faire et du tissu économique des PME wallonnes ».
 

Ça, c’était pour les chiffres bruts. Mais derrière chaque dossier, chaque entreprise, il y a un humain qui décide à un moment ou un autre, de se séparer de sa société. Pour des raisons nombreuses et variées. Sans surprise, la plus courante est le départ à la pension. Cela concerne 36 % des cas. Derrière, WE recense dans un peloton groupé « la volonté de réaliser son patrimoine » (16 %), « l’opportunité suite à une offre de rachat » (15 %) et « la volonté de changer d’activité » (13 %). Cette troisième catégorie rassemble les « serial-entrepreneurs », c’est-à-dire ceux qui financent leur nouvelle activité grâce à la vente de la précédente. 


Ces derniers ont « parfois à leur actif plusieurs créations ou acquisitions. Comme sur le marché du travail, où l’on fait de moins en moins toute sa carrière auprès du même employeur, l’entrepreneuriat ne se pratique plus forcément dans une seule entreprise ou dans un seul secteur d’activité », pointe Wallonie Entreprendre. La taxe sur la plus-value, dont les contours sont toujours flous, n’avait, elle, pas encore été officiellement annoncée en 2024 et n’a donc pas pu avoir d’effet sur ces résultats annuels. WE remarque cependant que « le sujet est de plus en plus abordé par les cédants potentiels et que cela pourrait créer une accélération des projets de vente de sociétés, en prévision de l’instauration prochaine de cette mesure fiscale ».


Le profil des acheteurs est, lui, similaire dans un dossier sur deux : il s’agit d’un acquéreur stratégique dans le cadre d’une dynamique de croissance par acquisition. Les acquéreurs individuels représentent un deal sur cinq et les transmissions familiales un sur dix. Derrière, une tendance gagne en popularité : le Management Buy-Out. Un bel anglicisme pour signifier la reprise de l’entreprise par un ou plusieurs membres du personnel. « Les MBO passent de 5 % à 8 % des transmissions en 2024. Cette forme de transmission, de même que l’actionnariat salarié, suscitent un intérêt croissant, tant de la part des experts que des cédants, et semble s’inscrire dans une tendance de fond que les experts en cession/acquisition vont devoir rapidement appréhender dans l’accompagnement des projets de transmission », prédit l’organisme wallon. 


Sabine Colson, Invest Manager chez WE, n’y voit que des avantages. « Dans un contexte de guerre des talents, de quête de sens et de fidélisation des équipes, l’actionnariat salarié constitue une solution à la fois inspirante et pragmatique pour assurer la continuité des entreprises. En permettant aux salariés de devenir actionnaires de leur entreprise, ce mécanisme favorise l’alignement des intérêts, renforce le sentiment d’appartenance, et peut insuffler une nouvelle dynamique de croissance ».
 


À la lecture de ces résultats, Wallonie Entreprendre affirme que « le marché de la transmission en Wallonie est stable et dynamique. Il attire de plus en plus d’entrepreneurs motivés, mais aussi des sociétés déjà établies qui voient dans la croissance externe une stratégie efficace de développement et de croissance. Cette vitalité du marché ouvre de belles perspectives, à condition toutefois d’être bien préparé et solidement entouré. Au-delà des aspects purement économiques, la transmission d’entreprise revêt également une dimension sociétale forte. Elle participe au maintien du tissu économique local, à la stabilisation de l’emploi et à la continuité des relations économiques. C’est un vecteur de durabilité pour l’écosystème des PME wallonnes. Transmettre, ce n’est pas seulement céder une activité : c’est aussi transmettre une vision, une culture d’entreprise, des valeurs. C’est permettre à une histoire entrepreneuriale de se poursuivre, de s’adapter, de se réinventer », conclut l’organisme wallon qui prévient cependant. 

« La transmission d’entreprise en Wallonie se porte bien, mais son potentiel reste encore partiellement inexploité. Pour faire face aux défis à venir — notamment le vieillissement des dirigeants — et pour transformer les risques en opportunités, il est indispensable de renforcer la culture de l’anticipation et de valoriser l’accompagnement professionnel. C’est à ce prix que nous pourrons pérenniser nos PME, maintenir l’emploi local et encourager une dynamique entrepreneuriale durable au coeur de nos territoires »